Un accident, une agression, une catastrophe naturelle… Face à certains évènements de vie marquants, on pourrait croire que tout le monde vit la même expérience psychologique. Pourtant, les réactions sont extrêmement variées : certaines personnes semblent s’en remettre rapidement, d’autres développent des symptômes persistants, et certaines trouvent même une forme de force dans l’épreuve.
Pourquoi de telles différences ? La réponse se trouve dans un mélange complexe de biologie, de psychologie et d’environnement.

Le cerveau en mode survie : une alarme parfois bloquée
Quand un événement choquant survient, c’est l’amygdale, une petite zone du cerveau, structure clé du traitement émotionnel et particulièrement de la peur, qui active notre système d’alerte. Cette activation déclenche une cascade de réactions physiologiques : accélération du cœur, vigilance accrue, libération d’hormones de stress comme le cortisol et l’adrénaline…tout est prêt pour « fuir ou combattre ».
En temps normal, une fois le danger passé, le cortex préfrontal et l’hippocampe, qui sont tous deux impliqué dans la mémoire et le repérage temporel des événements, aident à calmer la réaction émotionnelle en « remettant les choses dans leur contexte ». Mais chez certaines personnes, ce système reste coincé en mode alerte, même en l’absence de menace réelle. C’est là que les symptômes traumatiques apparaissent.
Les différentes façons de réagir après un traumatisme
Chaque cerveau, chaque histoire et chaque contexte de vie étant unique, les réactions peuvent varier. Voici les grandes formes de réponses observées :
1. La résilience immédiate
Certaines personnes traversent l’événement, vivent des émotions fortes (peur, tristesse, colère), puis retrouvent progressivement un équilibre. Leur système de régulation émotionnelle arrive à s’ajuster, souvent aidé par le soutien de leur entourage.
2. Le stress aigu temporaire
Beaucoup de personnes vivent une phase de stress aigu : cauchemars, flashs de souvenirs, anxiété, troubles du sommeil… Ces réactions sont normales et généralement transitoires. Elles durent quelques jours ou semaines, puis s’atténuent.
3. Le stress post-traumatique (TSPT)
Chez d’autres personnes, les symptômes s’installent durablement : reviviscences (flashbacks), évitement (des endroits ou des personnes), hypervigilance (sursauts, tension constante), altérations de l’humeur. L’événement continue à hanter le quotidien, parfois des mois ou des années après.
4. La dissociation
C’est une réaction moins connue mais fréquente. La personne peut se sentir comme « déconnectée » de son corps ou de ses émotions, comme si elle observait la scène de l’extérieur. C’est un mécanisme de protection du cerveau, qui coupe la conscience pour éviter une surcharge émotionnelle.
5. La somatisation
Chez certaines personnes, la souffrance psychique s’exprime surtout par le corps : douleurs, troubles digestifs, migraines, fatigue intense… Ces symptômes sont réels, même si leur origine est émotionnelle.
6. La croissance post-traumatique
Enfin, certaines personnes, après un travail de reconstruction, découvrent une forme de transformation positive : un nouveau sens donné à la vie, une plus grande force intérieure, ou encore des relations plus profondes avec les autres. Ce n’est pas l’absence de souffrance, mais une réorganisation qui permet de trouver du sens dans l’épreuve.
Pourquoi ces différences ?
La génétique et la biologie
Certaines différences biologiques et génétiques pourraient influencer la régulation de la sérotonine et du cortisol ayant un impact sur la capacité du cerveau à réguler le stress et à revenir à l’équilibre après un choc.
L’histoire personnelle et la mémoire
Le vécu d’une enfance difficile ou instable (abus, négligence, insécurité affective,…) peut induire une vulnérabilité plus prononcée dû au système de régulation du stress fortement sollicité pendant le développement et donc plus sensible. À l’inverse, avoir eu un environnement sécurisant peut avoir renforcé la résilience.
Le soutien social et culturel
Le fonctionnement de notre cerveau à lui seul ne suffit pas : le contexte social joue un rôle majeur. Le fait d’être entouré, compris, validé dans son expérience va favoriser une meilleure régulation émotionnelle. À l’inverse, l’isolement ou la stigmatisation augmentent le risque de développer des troubles post-traumatiques.
La bonne nouvelle : le cerveau peut se réparer
Heureusement, le cerveau reste malléable : grâce à ce qu’on appelle la plasticité neuronale, il peut se réorganiser et apprendre à retrouver l’équlibre après un traumatisme. La psychothérapie, comme l’EMDR, la thérapie cognitive et comportementale, la pleine conscience ou encore l’activité physique régulière, va contribuer à calmer l’amygdale et à renforcer les circuits de régulation émotionnelle.
Ainsi, la résilience n’est pas une qualité innée mais un processus dynamique qui peut se développer.
En résumé
Un traumatisme n’entraîne pas une seule réaction possible. On peut :
- rebondir rapidement,
- traverser un stress temporaire,
- développer un trouble post-traumatique,
- se couper de ses émotions (dissociation),
- exprimer la douleur par le corps (somatisation),
- ou encore, après un temps, transformer l’épreuve en force.
Aucune de ces réactions n’est « meilleure » ou « plus faible ». Elles reflètent la manière unique dont chaque cerveau et chaque histoire de vie réagissent à l’extrême.
Comprendre ces différences permet non seulement d’éviter de juger les réactions d’autrui, mais aussi de promouvoir des approches thérapeutiques adaptées et bienveillantes.
- Bonanno, G. A. (2004). Loss, trauma, and human resilience: Have we underestimated the human capacity to thrive after extremely aversive events? American Psychologist, 59(1), 20–28.
- Bremner, J. D. (2006). Traumatic stress: Effects on the brain. Dialogues in Clinical Neuroscience, 8(4), 445–461.
- McEwen, B. S. (2007). Physiology and neurobiology of stress and adaptation: central role of the brain. Physiological Reviews, 87(3), 873-904.
- Yehuda, R., & LeDoux, J. (2007). Response variation following trauma: A translational neuroscience approach to understanding PTSD. Neuron, 56(1), 19–32.
- van der Kolk, B. (2014). The Body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma. New York: Viking.
Si vous souhaitez être accompagné par un professionnel et retrouver vos propres ressources, n’hésitez pas à me contacter en remplissant ce formulaire.